(co)locataires XII
Bien sûr, je n'ai pas envie qu'on se montre de manière évidente aux yeux des x mille collègues qui nous entourent. Mais nos collègues proches sont plutôt des copains avec qui on s'entend bien, on s'amuse. Ne pas dévoiler est une chose, dissimuler en est une autre. Je n'étais pas à l'aise avec ça.
Combien de fois devrais-je mentir quand l'un de ces collègues me lancera une blague ou une remarque dans laquelle mon statut de "célibataire" est posé comme postulat de base? Ce qui est un comble d'ailleurs car je ne l'ai jamais été bien longtemps . Ou encore quand nous discutons de différents sujets pendant nos pauses, je suis dans le mensonge quand je raconte au singulier: "J'ai vu telle exposition", "j'ai vu tel film". Chaton est présent dan le groupe, il est en face de moi mais le je ne deviens jamais nous dans les conversations.
La dissimulation est pire vis-à-vis des amis. De mes amis. Je m'en veux de leur cacher à eux qui ont été les confidents de tellement de choses. Mais Chaton a l'air terrifié à l'idée que je divulgue notre "secret". Donc je continue à me taire.
Le seul à qui je me confie est mon ami des Etats-Unis, car il est loin, et il ne connais pas les autres. Qui plus est, notre relation est très intime, je n'ai pas peur de tout lui dire. Je sais qu'il ne me jugera pas et qu'il me réconfortera toujours, même s'il n'approuve pas ma manière d'agir.
Nous ne disons rien, nous ne montrons rien.
Quand nous avons des sorties communes, nous arrivons séparément, nous repartons séparément. Cela génère des effets secondaires qui sont blessants aussi. Comme quand la copine d'une copine racontera devant moi en rigolant qu'elle a fait une tentative d'approche mais n'a pas réussi à éveiller son intérêt. D'autres essaieront et ne réussiront pas mieux.
Un samedi soir, en boîte, je verrai des jeunettes s'approcher de lui. Lui s'en fiche, il se défoule, il dance. Mais je me sens fragile et dans l'insécurité totale par rapport à notre relation. Je sais qu'il n'est pas un dragueur mais je me sens mal.
Plus tard dans la nuit, fatiguée par le lieu, excédée par sa distance, j'irai le prévenir que je m'en vais. Il me répondra "Moi je reste". Il doit être entre quatre et cinq heures du matin quand je rejoins ma voiture. Je me sens bien seule.