And so castles made of sand slips into the sea,eventually
Jimmy Hendrix
Je n'ai jamais aimé les relations superficielles. Dans le fond, elle est peut-être là, ma vraie frustration avec Philippe, celle de ne pas le connaître. Je crois que la frustration de ne jamais le toucher (physiquement, je veux dire) serait largement dépassée s'il s'ouvrait vraiment à moi. Or, la rencontre que j'espérais voir se concrétiser pendant les vacances n'a jamais eu lieu.
J'en assume une partie de la responsabilité. D'un naturel sauvage, je me suis mise quelques fois en retrait, m'autorisant ainsi à savourer la quiétude du paysage en silence. Cependant, il n'est jamais venu vers moi, à aucun moment, jamais. Au moins pendant tout le début des vacances, il a préféré la compagnie de Copine, me renvoyant à mon éternel désamour (envers moi-même).
"Ah, pensais-je, elle est plus jolie, plus jeune, plus vive, plus enjouée. Et puis elle n'est pas en mode routard, comme moi, elle reste mignonne et bien fringuée en toutes circonstances..." Les voir tout le temps collés a fini par me taper sur le système. Oui, j'ai été jalouse. Et je perdais aussi l'exclusivité de Copine, avec qui j'avais passé les trois premiers jours dans une complicité totale, le temps où Philippe était parti faire un trekk. Double jalousie donc. Blessée, je n'ai fait que me replier davantage sur moi même, me rouler en boule intérieurement. Pourtant, en surface tout allait bien. Au trois quarts du voyage, je me suis dit que j'étais responsable et j'ai décidé de me ressaisir. Profitant d'un moment où Philippe était seul dans un bus je me suis approchée pour lui demander s'il voulait un peu de compagnie, ou préférait se reposer. Bien sûr j'aurais pu m'imposer, m'asseoir à côté de lui sans lui demander. Mais ça, j'ai jamais su faire. Lui m'a répondu qu'il avait commencé à regarder un concert sur sa tablette et qu'il n'allait pas tarder à se passer la suite. Rateau...
A deux-trois jours de la fin pourtant, les choses ont un peu changé, alors que je n'attendais plus rien. Il s'est mis à marcher à côté de moi, alors que je faisais les choses à mon rythme. Il n'a pas bâclé la promenade avec Copine, qui elle se pressait toujours et encore. Nous avons admiré le paysage, ensemble. Plus tard, nous avons eu l'idée de rajouter un point au planning pourtant bien rodé de Copine. Cela nous a mené dans un village charmant, entouré d'un paysage magnifique. Ayant pris l'habitude d'être seule, sans les deux camarades, j'ai commencé à descendre dans la vallée où se promenait un joli ruisseau. Les couleurs étaient magnifiques, la lumière de fin de journée mêlait nuages sombres et lumière éclatante, le tout sur des nuances de verts, jaunes et bleus d'une richesse divine. Contre toute attente, Philippe m'a suivie puis, Copine aussi (mais en pestant un peu car elle voulait déjà repartir).
Pour moi ce moment était le plus beau de tous pendant le voyage. La vue était un ravissement pour les yeux, pour le coeur et nous étions loin de la densité étouffante d'un Machu Picchu. Seuls au monde malgré les quelques rares touristes, seuls avec cette beauté, avec le silence aussi.
Plus tard, Philippe m'a avoué qu'il avait trouvé la manière de voyager de Copine trop superficielle, car elle ne prenait finalement jamais le temps de se poser, enchaînant les sites les uns après les autres mais que parfois, il se sentait pris entre nous deux, avec nos volontés si différentes.
En rentrant, je n'ai rien dit pendant longtemps sur une question qui me taraudait. Puis, un jour, n'y tenant plus, j'ai interrogé Copine, alors que nous déjeunions ensemble.
"Tu as passé énormément de temps avec Philippe. S'est-il ouvert à toi ? As-tu réussi à le connaître davantage ?"
La réponse m'a laissée songeuse. "Non, m'a-t-elle répondu, tout est resté tout le temps superficiel, souvent le nez dans son guide. Nous n'avons jamais vraiment discuté en fait."
En fin de compte, passer davantage de temps avec lui ne m'aurait probablement rien apporté de plus, à part une frustration plus grande. Que faire pour faire tomber le mur ? Et au fond cela vaut-il la peine de creuser ? Y a-t'il quelque chose à creuser ? En écrivant ces mots, j'ai la vision d'un tas de sable sur une plage, dont les grains sont emportés par le vent...