Je bricole des trucs chez moi, alors en bricolant, je pense à des trucs. Des souvenirs, des idées.
J'ai repensé à ma première réunion parents-profs, quand j'étais au lycée. Ma première année au lycée. C'est sans doute le moment qui a déclenché cette envie de quitter, qui n'a fait qu'empirer depuis.
Les réunions parents-profs, c'est un truc... Les parents sont dans une salle, et les profs y entrent à tour de rôle. Normalement, chacun a 10-15 minutes, pour se présenter, dire ses attentes, échanger quelques questions réponses avec les parents puis hop, au suivant. Et les profs font ça avec toutes leurs classes. S'ils ont beaucoup de niveaux, ça leur prend toute leur soirée.
Avec ma jeune collègue, nous sommes entrées en même temps. Nous n'avions que deux classes, les 1ères et les Terminales dans une spécialité. Nous sommes entrées en même temps car travaillions en co-intervention. La réunion avec les parents de terminales s'était relativement bien passée. Ils avaient passé un an ou presque sans enseignant dans la matière, donc ils devaient être contents d'avoir quelqu'un au poste.
Avec les parents des 1ères, nous avons été étonnées de voir des élèves aussi dans la salle. C'est pas une réunion parent-profs, c'était une réunion parent-profs-élèves. Et ça s'est mal passé. Avec ma collègue, nous avions demandé aux élèves de faire un truc sur les recommendations du prof qui nous passait le relais. Ils l'avaient mal fait car l'exercice leur déplaisait (avec beaucoup de mauvaise volonté). On aurait pu laisser tomber et passer à autre chose, mais nous étions débutantes et on s'est dit que si on se laissait manipuler dès le début, on serait foutues pour la suite. On leur a donc demandé de le refaire. Ils se sont plaints au responsable du lycée, et à leurs parents.
Et donc, les parents, nous les avions en face de nous ce soir là. Et ils n'étaient pas du tout bienveillants envers moi et ma colègue. L'une des mères nous a reproché de faire des cours inintéressants, alors qu'elle-même travaillant dans les assurances, savait rendre son contenu un peu sexy quand elle devait le présenter à des gens. Ah ah. Son fils était là dans la salle. Le père d'un autre des enfants nous a dit que "peut-être nous n'étions pas compétentes pour ce poste". Son fils était là dans la salle aussi. Ma collègue ne savait pas quoi répondre, mais j'ai pris la parole. J'ai répondu. Je ne sais plus quoi, mais j'ai répondu. Alors que je n'avais qu'une envie, c'était quitter la salle et démissionner dans la foulée.
Comment peut-on garder un minimum de crédibilité quand les parents te parlent comme ça devant leurs enfants. C'est dur. Je crois que ce moment m'a un peu démolie, même si je me pense un peu forte. Mais j'avoue que je ne m'attendais pas à une attaque frontale de cette sorte. Car au final, ils ont pris la parole et ils étaient plus ou moins tous d'accord entre eux, que nous, ma collègue et moi étions nulles. J'avais pris ce poste depuis 4 ou 5 mois. Alors peut-être que oui, j'étais nulle. Mais je bossais déjà les soirs jusqu'à 2h du matin, dans une matière inconnue de moi (techno) pour fournir tous les jours un contenu qui tienne un peu la route. Et dans la journée, je devais endurer la classe de 38 élèves dont plus de 50% étaient extrêmement turbulants.
Je ne sais pas comment j'ai tenu ces deux ans au lycée. Le confinement m'a en partie sauvée. Je n'y retournerait pour rien au monde. L'enseignement supérieur, c'est un peu plus facile... Mais à peine. Les étudiants sont un peu plus adultes. Mais à peine. Le niveau est très hétérogène et dès qu'un sujet est un peu conceptuel, abstrait, il faut déployer des torrents de manières pour leur faire comprendre les choses. OK, c'est le rôle de l'enseignant, on va dire. Mais quand on a 15 étudiants en face qui ne comprennent pas un truc, souvent pour des raisons différentes, on peut passer deux heures sur une notion simple. La capacité de concentration est extrêmement limitée. C'est dur. C'est pas comme travailler à la mine, c'est certain, mais c'est compliqué et usant.