Je viens de me rendre compte que j'avais déja écrit cette histoire, juste après l'avoir vécue. J'ai retrouvé des feuilles dans mes papiers. C'est amusant de voir, de comparer, si on se souvient toujours des mêmes choses ou bien si les souvenirs ont changé.
Alors voici la version hum... je dirais 2003/2004. J'avais appelé le texte "rencontre parallèle" ou "rencontre parenthèse".
Samedi soir, Lucie fêtait ses vingt-neuf ans.
La soirée était une soirée ordinaire. Celle où on discute de tout et de rien, peut-être plus agréable qu’à l’ordinaire. Sa meilleure amie, une fille vive et sympathique animait beaucoup la conversation.
Il y avait Pierre, Marie et Olivier.
Lucie était très jolie. Elle portait une jupe noire et un petit gilet violet pailleté. Ses yeux étaient cernés et elle était un peu pâle. Pourtant elle était très jolie, très fragile, séduisante comme toujours.
Au fur et à mesure, de nouvelles personnes arrivaient.
Puis Yann. Très beau. Et seul. Je le classerais même dans la catégorie des « trop beau pour toi ».
Comment le décrire ? Des détails physiques, au fond, sans importance ? Assez grand. Blond ? J’aurais dit châtain foncé. Les yeux ? Je n’ai pas vu, remarqué tout de suite. Ils sont marron clairs. Son physique est un peu hors du commun, trop beau, justement.
Non…
Pour le décrire, je dirais : discret (secret ?), calme (distant ?). Quelque chose comme «intouchable» ou « inaccessible».
Je reste identique à moi-même, c'est-à-dire distante aussi. Bien sûr, pendant les soirées, je donne de plus en plus l’image de quelqu’un qui n’est pas moi, qui aime danser, aller vers les autres. Je m’amuse à taquiner Olivier, Pierre aussi. Mais eux sont mes amis, alors nos rapports sont différents. Ils sont mon repère dans ce monde d’inconnus.
« Et toi, comment tu as connu Lucie ? » est la brique de base de toutes les conversations.
Yann est toujours un peu à l’écart. Il discute avec des petits groupes sur le balcon. Je me joins à eux, par moments. Jamais bien longtemps, n’ayant rien d’intéressant à dire. S’il y a quelque chose que j’aime encore moins que d’écouter des banalités, c’est d’en dire moi-même.
Arrive une brune, vêtue d’un débardeur fuchsia moulant. Elle amène de la musique « pour danser ».
Yann ne danse pas.
Il circule dans les groupes, proposant à boire et à manger. Ce serait presque simple de discuter avec lui.
Je n’ose pas, bien sûr (« trop beau pour toi » mais aussi « tu ne dois pas être le genre de fille qui lui plaît ». Je l’imagine déjà aux bras de jolies blondes ou brunes, fluettes et aux yeux clairs).
Quand il discute avec Pierre, Lucie ou Marie, je m’approche, j’écoute un peu mais ne dis rien.
Il parle doucement et je n’entends pas grand-chose à vrai dire. Je le regarde simplement - pour le plaisir des yeux.
Plus tard dans la soirée, il discutait avec Lucie. Je me suis approchée. Leur conversation avait l’air un peu privée, alors je n’ai pas écouté. Puis, Lucie s’est levée, est partie pour rejoindre un autre groupe. Je me suis retrouvée seule avec lui. Obligée de discuter, plus de fuite possible.
Je lui parle du disque qu’il a offert à Lucie, pour rompre le silence. Il me dit qu’il s’intéresse à la culture de l’Europe de l’est car il a découvert ses vraies origines il y a peu de temps (ses parents ne seraient pas ses vrai parents). Je suis surprise, étonnée qu’un étranger me dévoile des choses aussi intimes, mais… pourquoi pas ?
Finalement il parle beaucoup.
Lucie revient, le sujet change car il ne veut pas lui révéler ce qu’il m’a appris (il prétend que je suis la première personne à qui il en parle… De plus en plus étrange…).
Nous commençons alors à parler d’art, de musique, de peinture, de choses qui me tiennent à cœur. Yann a des goûts plutôt classiques. Nous confrontons nos sensibilités qui sont différentes. Nous pourrions nous compléter. J’aime sa personnalité et sa manière de s’exprimer. Il est tellement différent des gens que je côtoie. Il m’attire tout de suite. Il me plaisait déjà physiquement mais je crois que j’aime le reste aussi. La réalité c’est que, pour la première fois de ma vie, j’aimerais croire au coup de foudre. Cela y ressemble beaucoup. Tout ce qu’il dit résonne, trouve son écho en moi. J’ai l’impression de le connaître ou de le reconnaître. Je me rapproche de lui encore. J’ai envie de discuter davantage avec lui. Notre conversation a l’air bien partie pour durer. De toutes manières, je suis déjà un peu hors du temps. Je ne pense même pas à un après qui arrivera certainement trop vite, tellement je suis absorbée par le moment présent.
Lucie vient lui demander si tout va bien. Il répond qu’il est bien, qu’il discute tranquillement et est en charmante compagnie. Cela me surprend - un peu - et me fait plaisir aussi. Mais il fallait que mes pieds retouchent la terre. Les gens se regroupent, s’amassent. Ils ont décidé que c’était l’heure du départ. Que faire ? Il ne reste plus que nous deux qui sommes assis dans le salon. Tous les autres disent déjà au revoir. Il me faut donc me résoudre à partir aussi. Mais avant, j’aide un peu Lucie et son amie à ranger, pour être plus longtemps près de lui. Yann aide aussi. En dehors de Lucie et son amie, il ne reste donc vraiment que nous deux.
Et voilà, nous devons partir. Je regrette un peu de devoir me séparer de lui, sans être vraiment triste non plus, tellement j’ai la conviction que ce n’est pas la fin.
Lucie lui demande s’il va rentrer en métro La réponse est négative bien sûr. A l’heure qu’il est, il n’y a plus de métro. Il va chercher un taxi. Je me souviens de Stéphanie, qui m’avait enseigné, à mes dépends, qu’il ne fallait jamais rater sa chance. Alors je lui demande où il habite. Il se trouve que son appartement est, à peu de chose près, sur mon chemin. Je lui propose de le ramener et il accepte. Je me sens légère et j’ai envie de rire. Nous jouons au départ raté, car il oublie sa valise chez Lucie, mais finalement, nous arrivons à ma voiture. Et nous voilà partis. Nous ne sommes plus que tous les deux.