Heureux qui comme Ulysse...
Mais quand reverrai-je ?
J'aime bien Moby, le musicien chanteur.
Il a l'air toujours triste quand tu le vois.
Et t'as l'impression qu'il a toujours été triste, depuis tout petit.
Il est connu et il fait de la belle musique. Mais dans son regard, tu sens qu'il est seul. Seul et triste.
Il porte la culpabilité de ne pouvoir rien faire alors qu'il fait sans doute plus que beaucoup.
Il demande comment... comment, les humains arrivent à être heureux, en sachant qu'il y a d'autres humains et des animaux qui souffrent qui meurent ou qui sont torturés. Il se pose la question. Vraiment. Alors qu'il pourrait être juste riche et connu et s'en foutre.
Oui, comment... Comment font les humains pour être heureux. Je me suis aussi posé cette question des millions de fois dans ma vie... Moi aussi la culpabilité me ronge souvent. C'est idiot, ça sert à rien.
Comment fait-on pour être heureux ? On peut pas... Faut être inconscient pour être heureux. J'ai aussi l'impression d'avoir toujours été triste, depuis petite.
Echapper à ses pensées. C'est le seul moyen d'avoir un peu de répi. Quelques instants. J'aime bien toucher la terre. La belle terre toute noire, avec des vers dedans. J'ai mis des lianes de maracuya chez moi. C'est pas local (mais on s'en fout) ça grimpe partout.
J'apprends à mon neveu à regarder les vers, les escargots, les oiseaux, les araignées en faisant "OOOOOh", avec une bouche toute ronde. Et on rit. Mais c'est quand même triste, la vie.
Tu te diras "elle est partie".
Tu penseras que tu ne comprends pas pourquoi.
Tu te demanderas ce qui avait bien pu se passer dans ma tête. Toi pour qui rien n'est sérieux. "C'est juste ci", "c'est juste ça".
C'est juste tes idéaux qu'on enferme.
C'est juste tes idéaux qu'on enterre.
C'est juste tes idéaux dont on pisse sur la tombe.
"Elle s'est évaporée, tu diras. Comme son rire léger, comme ses lettres de buée sur les fenêtres fraîches.
- Ah non, répondrai-je d'on ne sait où, c'est pas évaporé, les lettres, c'est décondensé. Oui, même morte, j'aime bien faire madame Je-sais-tout.
- Qui me parle ? Te demanderas-tu... Bizarre, on dirait- qu'il y a quelqu'un dans mon cerveau. Peut-être encore un coup de Bowie... Tiens, ça me donne une idée pour un morceau."
Pendant que j'écris mes délires, y a mes voisins qui baisent. Je les entends. C'est marrant.
J'ai fini mon roman de Bukowski et je me dis que ce gars un peu j'm'en foutiste, alcoolique, bourru, était peut-être une personne cool.
Et ce matin, j'entends un de mes étudiants dire à un de ses camarades qu'il va sans doute voter pour un candidat dont le nom commence par Z.
Le gamin a 20 ans, purée...
Aujourd'hui j'ai fait une interro. Cinq élèves ont dormi pendant. Cinq. Défaite.
Quand j'ai relevé les copies, j'ai vu que les réponses étaient à la masse, pour un truc qui était facile en ayant bossé un minimum. Défaite.
Ensuite j'ai fait cours. Trois étudiants parlaient tout le temps en même temps que moi, pendant que je faisais mon cours. Ce qui me fatigue. Surtout quand je communique avec un étudiant au fond de la salle qui essaie de suivre. Je leur ai demandé de se taire gentillement. Une fois, deux fois, trois fois. Puis, je leur ai demandé de la boucler à la fin. Puis je les ai fait sortir. Défaite.
Défaites, défaites. Je n'aime pas le monde dans lequel on vit. Et puis je sers à rien. Défaites, défaites. Ils s'en branlent de ce que je raconte. Pourquoi je me fatigue à le raconter ? Me la couler douce, au calme. Attendre. Pourquoi me fatiguer à préparer des cours tard ? Faire des interros pour voir ce qu'ils ont compris, en veillant à ce que ce soit assez facile pour qu'ils y arrivent mais pas trop facile pour qu'ils aient conscience de la difficulté de leur examen à venir... Pourquoi me fatiguer à corriger ces copies pour qu'ils sachent ce qu'ils ont compris et ce qu'ils doivent revoir...Pourquoi parler de la réponse indicielle, de l'amplification, du filtrage. On s'en branle... Le seul truc qui ait une réalité dans ce cours, c'est le rapport signal sur bruit.
C'est le week-end. Ok. Lundi, on recommence. C'est idiot. C'est tout.