Le côté grave s'efface et l'euphorie reprend le dessus. Arrivés chez moi, Yann se jette sur mon lit en riant. Il n'a pas de mal à s'approprier mon espace, et moi je me sens nettement plus à l'aise. Je me souviens avoir pensé aussi qu'il était le premier avec qui je partagerai des moments d'intimité dans cet appartement fraîchement acquis.
Yann et moi faisons l'amour dans un état d'esprit un peu ludique. La vérité c'est que je n'en ai pas gardé un souvenir impérissable. J'aime bien son corps, même s'il est d'une beauté un peu lisse. Je me souviens juste d'avoir touché du bout des doigts à ce moment là un aspect un peu déplaisant de sa personnalité. Yann est un peu égoiste, il ne se donne pas. Malgré les apparences, il y a un mur entre nous. Et j'ai l'impression que je ne peux pas me donner non plus, ce qui est pour moi plus gênant encore. Je vois l'amour (ou le sexe) comme un don de soi, même pour une histoire qui ne dure pas. Alors avec Yann, je ressens un léger malaise, mais je ne me souviens plus dans quelle mesure j'avais conscience de tout ça.
Nous passons le reste de la nuit et la journée du dimanche tous les deux, partageons des moments agréables dans l'ensemble.
Vers dix-hut heures, je le ramène chez lui, et je sens que c'est la fin. Il aura pris soin, au détour d'une conversation, de me prévenir: "il ne faudrait pas que tu deviennes trop sentimentale". Samedi soir j'espèrais une histoire d'amour, dimanche soir je n'espère rien. C'est simplement comme ça.
Arrivés dans sa rue, je m'arrête, je me gare. Je me tourne vers lui pour lui dire au revoir. Je n'ai pas l'intention de lui demander quoi que ce soit mais, machinalement je prends mon téléphone portable pour me donner une contenance. Je ne sais pas pourquoi je me sens nerveuse. Yann regarde mon téléphone, puis me regarde moi. Il propose que nous nous échangions nos numéros. Bon. Puis il descend et s'en va.
En repartant, je me dis que les hommes sont vraiment bizarres.