Des perturbations sur ma ligne m'ont déviée ce soir de ma trajectoire habituelle. Croyant gagner du temps, j'ai pris par erreur un train qui a rallongé ma route. Tant pis. Je ne me stresse plus pour ce genre de choses. Et hop! Me voilà dans le métro de la ligne 12.
Je m'assois côté couloir dans un bloc de 4 sièges et me mets un peu en biais pour que me jambes profitent du petit espace du "couloir".
Deux-trois stations plus loin, un jeune homme monte et s'installe dans la bloc de quatre sièges d'à côté, tout symétrique par rapport à moi. Et il met aussi ses jambes en diagonale, côté couloir.
Il est très grand, assez mince. Je ne sais pas trop quel âge il a. Vingt ? Vingt-deux ? Il est châtain clair, a les cheveux tout fous, des lunettes. En fait il n'a rien qui attire spécialement le regard, mais il attire le mien. Sa dégaine me fait sourire.
Il sort un bouquin de son sac, l'ouvre. Dedans, presque tout est passé au fluo. C'est amusant. Si tout est surligné, c'est comme si rien n'était surligné. Il regarde son livre bizarrement quand même. Il passe les pouces sur les pages. A plusieurs reprises.
Comme je suis curieuse, j'arrive à voir un peu le titre. Les X mille mots indispensables en anglais. C'est chouette. J'aime bien l'anglais.
Il ouvre de nouveau son bouquin. Il passe de nouveau les doigts - mais uniquement les pouces si je me souviens bien - sur les mots, avec un geste de haut en bas et de bas en haut. On dirait qu'il caresse les mots. Je me dis en le regardant : "Il aime les mots".
Moi aussi j'aime les mots. J'aime l'anglais et j'aime les mots.
J'essaye de ne pas être trop indiscrète mais bon. C'est quand même intrigant ce truc avec ses doigts. Je regarde un peu son visage. La coupe nawak m'empêche de voir ses yeux. Je regarde ses lèvres. Je me dis qu'elles doivent être douces. Je me demande s'il embrasse bien. Je me demande s'il serait un bon amant.
07 nov 2012
Tiens c'est marrant, je n'avais pas fini d'écrire cette note. Alors je ne me souviens plus trop de l'histoire. Je me souviens qu'il m'avait regardée un peu, le jeune homme. Je ne voyais toujours pas ses yeux. Quelques stations après, j'ai dû descendre, je lui ai jeté un dernier regard depuis la porte. Il a levé les yeux sur moi, je lui ai souri. C'était fini.